Titre original | À propos de Les grands cas de psychose |
Date de parution | 2000 |
Dépôt légal | 2000 |
Langue originale | français |
Réalisation | Alain Casanova |
Production(s) | Starfilm International et Le Carnet Psy |
Auteur(s) | J.-D. Nasio |
Public | Professionnels |
Support | DVD |
Durée | 49mn |
J.-D. Nasio: à propos de Les grands cas de psychose

Descriptif
J.-D. Nasio, Les grands cas de psychose, 2000, Paris, collection Désir, éditions Payot. 310 pages. ISBN 2-228-89340-4.
Quatrième de couverture
- « Le cas Schreber » de Freud
- « Le cas Dick » de Klein
- « Le cas Petite Piggle » de Winnicott
- « Le cas Joey » de Bettelheim
- « Le cas de l'enfant du miroir » de Dolto
- « Le cas Dominique » de Dolto
- « Le cas des sœurs Papin » de Lacan
Voici, réunis pour la première fois, les commentaires des plus célèbres cas de psychose que les grands maîtres de la psychanalyse nous ont légués.
Ce livre, témoignage exceptionnel de la cure psychanalytique des psychoses, est un puissant stimulant pour penser les formes nouvelles de la maladie mentale.
Chaque chapitre, consacré à un cas, comporte :
- la vie du patient, ses symptômes et le déroulement de la cure ;
- l'importance du cas pour la théorie psychanalytique ;
- une sélection bibliographique sur le cas.
Ouvrage sous la direction de J.-D. Nasio, avec les contributions de A.-M. Arcangioli, D. Berthon, A. Coriat, Y. François, T. Garcia-Fons, A. Lefèvre, F.-X. Moya-Plana, J.-D. Nasio, Ch. Pisani, M. Varieras, M.-CI. Veney-Perez, G. Vialet-Bine, L. Zolty
Lire le compte-rendu du tchat du 6 février 2001
CYb : Comment est venue l'idée de cet ouvrage sur les cas de psychoses ?
Sargui rentre dans la discussion.20:52:43
Sargui : Le chat commence a quelle heure ?
CYb : Maintenant
Cyb rentre dans la discussion.20:59:46
Sargui rentre dans la discussion.20:59:48
Cyb : Début du Chat.
Auteur rentre dans la discussion.21:02:44
Cyb : comment est venue l'idée de ce livre ?
Auteur : Je suis très heureux de dialoguer avec des voix invisibles dont j'attends beaucoup les questions.
Cyb : Pourquoi se pencher sur des cas déjà si travaillés ?
Cyb : La psychose est-elle véritablement soignable aujourd'hui ?
nb rentre dans la discussion.21:21:37
Cyb : Cyb = Auteur.
Auteur : Al rentre.
Hubert rentre dans la discussion.21:24:09
Auteur : Parlez-nous de votre fameux concept de forclusion !
Auteur : La psychanalyse est-elle pertinente pour le traitement des psychoses ?
Cyb : Oui, bien sûr que oui, à condition que le traitement psychanalytique soit l'une des thérapies appliquées au même patient. En effet, pour traiter un patient psychotique, il faut partir du fait d'une polythérapie : la thérapie médicamenteuse, éventuellement l'hospitalisation du patient, le traitement de la famille et bien entendu le traitement analytique. Je dis bien analytique et non pas psychothérapeutique. Analytique veut dire que l'opérateur, le thérapeute est un analyste qui écoute et parle à son patient psychotique. Ce type de traitement analytique des patients psychotiques a une longue tradition qui a commencé très tôt avec un grand psychanalyste, Paul Federn, qui le premier a démontré combien le transfert est bel et bien présent dans la relation analytique avec un patient psychotique. N'oublions pas, dans le même rappel historique, la place occupée par l'école anglaise et en France par un grand psychanalyste comme a été Racamier.
Hubert : Sur quels critères différenciez-vous ces vies psychiques dont la pluralité justife le concept de « forclusion locale » ?
Cyb : Je disais qu'il y avait deux hypothèses psychanalytiques majeures pour expliquer l'origine de la fracture psychotique. L'une freudienne, l'autre lacanienne. Justement, l'hypothèse freudienne propose de penser l'étiologie des psychoses comme une maladie de la défense, c'est-à-dire que la psychose que nous, cliniciens, observons, le délire, l'hallucination ou tout autre symptôme, eh bien la psychose est l'expression d'une mauvaise défense du moi contre une douleur intolérable. Je voudrais mieux m'expliquer. La psychose, en fait, est la manifestation extérieure d'un moi qui se défend mal contre un malaise intérieur, est la manifestation d'un moi désespéré, comme un noyé qui se débat et frappe celui qui vient le secourir. Disons le en une formule : la psychose est l'expression d'une tentative malheureuse de l'autoguérison du moi. Donc, soyons clair, le problème de la psychose, c'est la défense. Il faut se faire à cette idée qu'un délire par exemple est la manifestation d'une tentative du moi de vouloir résoudre par lui-même une douleur intérieure. Quelle est cette douleur et quelle est cette défense ? La douleur, c'est l'insupportable d'une représentation que le moi vit comme singulière, trop singulière, au point de tenir cette représentation comme un kyste dont il faut se débarasser parce qu'il fait trop mal. Disons le en termes freudiens, le moi a trop investi une représentation psychique inconsciente, celle-ci est devenue incompatible avec toutes les autres représentations qui composent le moi et du coup, il s'avère nécessaire pour le moi de l'éjecter de lui-même, de la rejeter, de la jeter à l'extérieur, comme si je prenais, désespéré que je suis, quelque chose de l'intérieur de mon corps, je l'arrachais de moi et le jetais au dehors. Voilà ce qui fait mal au mal et l'action défensive, désespérée pour se débarasser. Ce qui fait mal, Freud l'appelle une représentation « inconciliable » - inconciliable, parce qu'elle ne se concilie pas avec toutes les autres représentations saines du moi - et la défense s'appelle rejet, werfung, c'est-à-dire expulsion. Lacan traduit ce rejet par forclusion et considère que la forclusion est le mécanisme (Lacan préfère ne pas dire « de défense ») à l'origine de la psychose. La représentation que Freud appelle inconciliable, Lacan par une longue élaboration, l'appellerait « signifiant du nom du père ». En somme, nous avons une hypothèse freudienne d'une défense, le rejet, contre la représentation inconciliable et une hypothèse lacanienne de la forclusion du signifiant du nom du père.
Auteur : Quel est selon vous l'apport de M. Klein pour la psychose de l'enfant ?
Cyb : Pour Melanie Klein, comme je l'ai dit, l'hypothèse majeure qui explique la psychose de l'enfant, c'est l'absence de la pulsion sadique.
Auteur : Vous parlez d'une absence de « réponse » comme moment déclencheur de la psychose ? Qu'en est-il exactement ?
Cyb : Pour moi, un être humain normal, doté d'inconscient, est un potentiel, c'est-à-dire une puissance de réponse, de réaction aux excitations venant de la réalité extérieure. Eh bien, le psychotique amorce sa psychose le jour où il ne parvient pas à répondre à un appel que la réalité lui lance.
Auteur : Quel est l'élément commun à tous ces grands cas ?
Cyb : Le point commun entre tous ces cas se réduit à deux propositions. Premièrement, tous ces cas relèvent de la psychose en tant qu'entité clinique et en tant que structure causée par le rejet freudien ou la forclusion lacanienne. Deuxièmement, tous ces cas sont des écrits cliniques produits par des grands théoriciens, soit en voulant confirmer leur théorie, soit en nourrissant cette même théorie.
hubert : Tout ça ne me dit pas sur quels types de critères se différencient les diverses « vies psychiques » ! ! Vous dites que cela tient aux « circonstances »… mais encore ?
nb : J'ai été très intéressée et touchée par la façon dont vous définissez un « cas » en incluant dans la définition l'intensité de la relation qui s'est nouée avec le thérapeute, et non pas seulement l'intérêt didactique. J'ai une question : pouvez-vous nous repréciser le concept de forclusion locale, et la façon dont vous l'appréhendez dans le travail avec un patient ?
nb : Cette forclusion « locale » ou non peut donc être mise en oeuvre pour n'importe quelle représentation inconciliable ? La forclusion du nom du père est-elle une donnée commune à tous les cas de psychose pour Lacan, une généralisation ou un exemple ?
Cyb : Qu'est-ce que la forclusion locale ? C'est un concept que j'essaie d'élaborer depuis 1978-1980 pour rendre compte d'un phénomène clinique que tout observateur attentif peut vérifier : le patient psychotique présente des moments dans lesquels il est normal dans sa présence, dans sa parole, dans sa pensée, dans ses gestes et sa communication, et un patient névrosé peut présenter des moments où il se manifeste comme psychotique, avec des hallucination fugaces, des instants de dépersonnalisation et même de courts accès qui évoquent le délire. C'est cette coexistence de moments normaux et psychotiques chez un même individu qui m'a fait penser que l'être humain n'est pas constitué d'une seule réalité psychique, mais d'un ensemble de réalités psychiques chacune étant structurée différemment. Ainsi, il peut y avoir chez une même personne une réalité psychique centrée autour d'un mécanisme de refoulement, et elle se manifeste par un comportement névrotique, et une autre réalité psychique centrée autour d'un mécanisme de forclusion, et elle se manifeste par un comportement psychotique. Chacune de ces réalités qui coexistent est locale. Et le mécanisme qui lui est inhérent, il est aussi local. Par conséquent, il y aurait une réalité locale avec un refoulement qui tout aussi local, ainsi qu'une autre réalité locale avec une forclusion locale.
Auteur : Comment percevez vous le courant théorique dit des « États limites » ? Certains des psychotiques d'autrefois ne seraient-ils pas considérés aujourd'hui comme Border line ?
nb : Certains parlent de « noyau » psychotique, mais finalement ce serait plutôt un îlot ou une parcelle de la vie psychique de l'individu. Est-ce que à vos yeux ces mécanismes de forclusion locale contatés chez un « par ailleurs » névrosé sont menaçants d'envahissement, essayez-vous de les débusquer, ou sont-ils une sorte d'échappatoire et de moyen de survie ?
Cyb : Si vous avez suivi et admis la théorie que je propose de forclusion locale (théorie dont vous trouverez un plus long développement dans le livre « Les yeux de Laure », Flammarion), vous admettrez que la forclusion locale permettrait de rendre compte de cette entité très discutée dite des États limites. Les États limites sont une dénomination qui date des années 40 et dont le succès s'explique parce qu'il fallait rendre compte de ce fait qu'il existe des sujets présentant des symptômes psychotiques et névrotiques simultanément. Depuis 50 ans, cette notion a été enrichie et discutée, mais reste très problématique et à mon sens elle obscurcit la question plus qu'elle ne l'éclaire.
Al : Reste 10 minutes de Chat.
Auteur : Les soeurs Papin sont à l'honneur. Qu'est-ce que Lacan pensait réellement de ces deux personnages ?
Cyb : Lacan n'a jamais connu les soeurs Papin, mais il était fasciné par cet extraordinaire fait divers qui a secoué la France dans les années trente. Beaucoup d'auteurs se sont penchés sur l'histoire de ces deux soeurs, en particulier Sartre, Genet qui écrit « Les Bonnes ». Lacan, qui, à l'époque, réfléchissait sur les mécanismes psychiques de la paranoïa a trouvé dans ce fait divers un exemple remarquable de l'aliénation paranoïaque entre deux êtres et le passage à l'acte paranoïaque. Ce qui a le plus frappé Lacan, c'était le rapport d' assujetissement absolu de la soeur cadette vis à vis de la soeur aînée. La folie à deux, ou plutôt , la paranoïa à deux, c'est que l'un agit ce que l'autre désire. Il n'y a plus deux personnes, mais une seule entité psychique qui désire la mort et tue. Par conséquent, Lacan n'a pas suivi l'hypothèse que certains auteurs ont avancée de l'homosexualité des deux soeurs. Pour Lacan, le rapport de Léa à Christine n'est pas un rapport homosexuel, mais un rapport paranoïaque, je dirais d'influence paranoïaque, entre deux êtres intimement proches.
Al rentre dans la discussion.22:10:53
Al : Par quel mécanisme psychique la soeur ainée se détache-t-elle complètement de sa cadette?
Cyb : La soeur aînée se détache de sa cadette lorsqu'elle est en prison, après que Léa lui a manifesté de l'angoisse. Je dirais que l'angoisse de Léa et le rejet de Christine, c'est le retour de la réalité avec ce qu'elle a de représentation de la loi. Après l'acte meurtrier, la réalité sociale avec ses lois et ses hommes, la prison, les avocats, etc., se redresse pour leur rappeler, aux deux soeurs, la force de la loi. Léa s'angoisse et Christine en voyant sa soeur dans cet état désemparé la rejette définitivement. Plus tard, Christine entre dans un état d'absence permanente, de rejet de toute réalité proche (même de sa mère) et peu à peu se laisse mourir.
Cyb : On peut dire que Christine est le véritable sujet paranoïaque.
Al : Winnicott reste-t-il pour vous d'actualité ?
Cyb : Assurément ! ! ! Par sa théorie si féconde et si diverse, car elle touche différents aspects de l'être humain dans ses différents âges (la mère, l'enfant, l'adolescent, ainsi que la problématique du psychanalyste). Winnicott est très actuel aussi par sa pratique et surtout les consultations thérapeutiques qui sont un modèle bien actuel de comment travailler avec un enfant qui souffre. Mais Winnicott est actuel d'abord et surtout par son style, par son humanité, par sa manière de rendre la psychanalyse vivante, humaine et généreuse.
Al : Fin du chat . Merci à J.-D. Nasio pour sa très sympathique et brillante participation à ce chat. Les cyberscopeurs sont les pionniers de la cyberpsy ! ! Prochaine Cyberscopie : M. Monjauze le 27 mars à 21h.
Cyb : Bonsoir. Je suis très heureux de me compter parmi les pionniers d'un dialogue qui va se poursuivre avec d'autres et semer de nouvelles graines de la pensée.